Légumes du jour.(AI février 2023)

Temps de lecture : 3 minutes

Ce mois-ci, l’agenda nous invite à mijoter une tambouille avec au menu « Légumes du jour ». Sans doute une farce de Carnets Paresseux pour nous rappeler qu’il faut manger cinq légumes par jour. Qu’il s’agisse d’un bouillon, d’une soupe ou d’un velouté, peu importe la mixture du moment que l’on ait du goût. Mais quel aliment comestible choisir ? A bien y réfléchir, concocter un met spécial à en tirer les marrons du four, n’est pas la fin des haricots.

Jeudi, pas un nuage dans l’azur du ciel, je me rends sur le marché et promenant mon regard sur les étals, je me laisse envahir par d’agréables sensations sensorielles. Un prélude incontournable d’une bonne cuisine. J’hume les fragrances de l’aïl, je lorgne sur les bulbes de fenouil que j’ai envie de déshabiller comme ces oignons à la peau rose satinée, dont les effluves m’agrippent, mais il faut s’en méfier si vous le croquiez, votre haleine ne laisserait pas votre entourage indemne. Sous leur air innocent ils peuvent être violents. Les émincer est une torture pour les yeux. L’oignon ne fait pas toujours la force. J’hésite sur les culs d’artichauts à croquer, et les longues aubergines, vêtues d’une peau lisse violette presque noire, à la chair pleine de suc, spongieuse et blanchâtre avec une infinité de petits grains noirs comme des grains de poivre de Cayenne. Je ne savais à quelle cucurbitacée ou solanacée, me vouer. C’est alors que se fait entendre des éclats de voix près de la charrette de Monsieur Poirot. Voulant m’approcher pour connaître les raisons de ce tapage, j’entends l’un dire :

─ Bah vos rutabagas sont toujours en place. Ce vieux tubercule n’est plus à la mode. Clame Miss Batavia exhibant son chignon poil de carotte à la manière d’une vielle salade frisée et jouant avec ses mèches potimaron. Elle ajoute : ce vert asperge voire épinard ne sied pas à vos artichauds.

─ J’en ai marre dit Poirot, on m’a volé. On m’a tout pris, je n’ai plus un radis et l’oseille n’est pas facile à gagner en ce moment. Je passe Leclerc de mon temps ici ou à la pompe. Je suis à sec et ma voiture aussi.

Madame Miercolès un peu sourde (malgré ses oreilles en feuilles de chou) ne comprend rien au remue-ménage :

─ Blabla encore des salades, j’va pas faire le poreau moi. Deux testicules bien mûrs et des automates pour mes tomates au four. Et qu’ça saute. J’vous jure y’a des coups de pompe qui s’perdent.

Interloqué Poirot, la regarde.

─ Bin quoi, z’avez pas de culture pour un cultivateur. Les Aztèques appelaient l’avocatier « Arbre aux testicules ». Faut r’garder les zémissions intelligentes, ricane t-elle.

Sentant la situation devenir explosive, Jean Roquette rectifie :

─ Il veut parler du coût A LA pompe qui grandit.

Madame Miercolès de rétorquer :

─ Vindiou, « En grande pompe », un vrai navet ce film.

N’écoutant déjà plus, Madame Miercolès se dirige vers l’étal suivant.

─ Avé Dominicus, ça cause ça cause, j’dois faire la tambouille pour mon Julio

. Il est affamé en ce moment alors met-moi 3kilos de mange-tout et autant de p’tits pois mais pas « écossais » hein !

Lorsqu’il lui tend sa commande, Dominicus, rouge comme une tomate, chaud comme la braise, faut dire que le simple parfum de madame Miercolès lui chatouille le piment, se fait audacieux :

─ Dites m’dame Miercolès , sans vouloir semer la pomme de la discorde ou promouvoir les raisins de la colère, ça vous dirait de venir partager un velouté de céleri aux épinards frais, accompagné d’un œuf mollet et pour le croquant quelques noisettes. Je peux ajouter des oignons fourrés aux lentilles, au riz et au curcuma.

La belle réfléchi, jauge Dominicus, puis fini par dire :

Ça me dit. J’apporterai le tort boyau. Quel jour ?

Vendredi soir voyons, ensuite nous irons guincher. Ose t-il avec un clin d’œil appuyé.

─ Moi j’danse pas, mais Julio oui, il sera votre cavalier. Il aime beaucoup votre barbichette. Épi moi après manger faut que j’ pionce. Ça lui f’ra une sortie à mon frère. J’lui r’passerai sa chemise bleue comme vos yeux Dominicus. On dira q’vous avez rencard, dit-elle en ricanant.

Dominicus ne sait si c’est du lard ou du cochon. En tout cas, il se retrouve le dindon de la farce.

Finalement j’ai pris des aubergines, à griller sur des tartines de pains frottées à l’aïl, accompagnées de radis épicés.

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27 Comments

  • On peut dire que ton texte est bien farci de légumes (et de jeux de mots)…
    Bravo!
    Bises.
    Bon après-midi,
    Mo

    • Merci Mo d’être venue lire « légumes du jour » 🙂

      • Superbe ce texte, j’aime beaucoup cette ambiance de marché 😊.

        • Merci Isabelle 🙂

      • J’ai bien riz gaule est, Mijo, à la lecture de ce texte hot en cool heures! Comment, le riz n’est pas au programme, étant bien trop « dé » veau?
        Pas de soucis, on se régale autant avec vos légumes hilarants. 🙂

        • Ah Lyssa Mara tu « riz-gaule », parce que tu n’as pas goûté au « riz coton-nez » 🙂 Merci de jouer avec les mots 🙂

  • Appétissant et plein de gouaille ! merci Mijo ça pétille dans le coin, on sent l’énergie de tes légumes 🙂

    • Oui Gibulène, je crois que nos écrits transpirent notre propre énergie 😉

  • astucieuse façon d’insérer les jours 🙂

    • C’est le côté sympa de l’agenda, oser les libertés littéraires 🙂 Bon dimanche Adrienne.

  • C’est pas un panier qu’il faut, pour faire ce marché, c’est une brouette !
    Y a tout quoi qu’il faut, là-dedans, ma MiJo ; bravi, brava, bravo !!
    Et puis lors, j’ai particulièrement savouré « L’oignon ne fait pas toujours la force ».
    Mouhaha, ce talent… A très bientôt, cœur d’artichaut avec les doigts 🙂

    • Merci de ce commentaire zenthousiaste 🙂 Bon dimanche ensoleillé à toi 🙂

  • Un régal cette mijotée de petits légumes. Bon pour le corps et pour l’esprit ! Me voilà rassasiée 🙂

    • Merci Valérie de ta lecture, tu as bien raison les végétaux sont essentiels à notre survie 🙂

  • Ah ah, décidément Mijo, est-ce qu’un jour, on n’écrirait pas une pièce à quatre mains ? J’ai pensé à pas mal de mêmes jeux de mots que toi, et même à nommer mon héros Hercule, pour Poirot/ Poireau évidemment ! Bref, c’est un texte où tu t’es régalée je pense, et moi aussi 🙂 ! Belle soirée à toi, Sabrina !

    • Oui Sabrina, nous avons souvent des fantaisies littéraires qui se ressemblent. Une aventure d’écriture à quatre mains, c’est une idée intéressante à explorer:)

  • C’est vraiment succulent à lire, un vrai régal pour le corps et l’esprit ! Une vraie fricassée d’humour même les jours de la semaine sont passés à la casserole ! Brava Marie-Josée c’est un plaisir.
    Bonne Journée
    Marie Christine

    • Légumes et jours devaient passer à la fricassée selon l’organisateur de l’AI. Je t’invite à participer aux agendas ironique. Une consigne , une fois par mois. Cela fait vivre aussi ton blog.

  • Il fallait y penser à ramener Poirot dans cette histoire, bravo.

    • Hello John, c’était assez facile j’avoue 🙂

  • Superbe moment de vie, j’ai été transportée sur les marchés de Provence chers à Bécaud.
    Et, pour une Belge, lire que « l’oignon ne fait pas la force » est encore plus savoureux (la devise de mon pays est L’union fait la force).

    • Merci, ravie de ton enthousiasme. Oui je connaissais la devise Belge 🙂

  • Que d’astuces et de jeux de mots, j’adore !

    • merci d’apprécier, les vôtres sont savoureux aussi 🙂

  • Bon jour,
    Diantre, c’est un fumé très érotique mine rien à la lecture de ce beau potager d’humain légumeux… 🙂
    Max-Louis

    • Ah ah Max-Louis, tu m’as fais rire avec ta critique culinaire digne du guide Michelin 🙂

  • J’ai bien ri ! 🙂

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