Noël chez les gallinacées. (AI de décembre 2022)

Temps de lecture : 4 minutes

Ce mois de décembre le blog de Photonanie organise l’agenda ironique autour du thème de Noël. Pour les consignes c’est ici. A vos plumes pour décorer le sapin des « agendadistes. »

C’est Noël, pourtant l’ambiance est loin d’être festive.
Poules, poulets, pintades n’ont que deux yeux pour pleurer. Toutes les gallinacées sont en deuil. Dans ce recueillement digne d’une veillée mortuaire, même Dame canne – forte attristée – a cessé de cancaner. L’heure est si grave que les poussins ont été priés de rester au nid. Mieux vaut leur épargner l’abominable sujet de discussion qui va suivre.

Une voix s’élève dans la basse-cour. C’est Maître coq, qui dresse autant que possible son cou au risque d’un torticolis. Après un « Cocoricooooo » péremptoire pour réclamer le silence il dit :

  • Compagnons d’infortune, vous les volatiles du poulailler, j’ai l’horreur et l’immense chagrin de vous annoncer le décès de Barnabé. La mort est survenue brutalement d’un coup de machette sur le cou. Décapité, déplumé et ensuite éviscéré, notre regretté dindon s’en est allé rôtir dans un four accompagné de mirabelles.

Entendant le prénom de son amoureux, Gertrude, la dinde, maquillée comme une voiture volée, ne fit pas cas de son rimmel qui lui faisait des yeux de merlans frits tant elle versait de larmes pour son Barnabé.

  • Il faut que cela cesse ! Nous ne pouvons plus tolérer d’être ainsi sacrifiés sur le billot, s’insurgea Miss Pintade.
  • Mort aux charcutiers, bouchers et autres fermiers et autres bourreaux adeptes du maniement de lames tranchantes. Hurla Marcel, vieux coq répudié de la campagne car son chant au lever du jour perturbait le sommeil des gens de la ville.

Le ton était donné. Les invectives jaillissaient des rangs de volailles.

« Ils m’ont volé ma couvée ! »
« Tous unis et sans pitié ! »

« Va de retro la poule au pot ! »

« Haro sur le dindon farci ! »

« Marre d’être gavées à l’entonnoir ! »
« Manger ou être mangé ! »

  • Mes frères et sœurs de plumes nous ne pouvons rester les ailes et le croupion ballants, nous devons réagir. Aux armes gallinacées, formons nos bataillons, marchons que le sang des bourreaux abreuve nos mangeoires !

La révolte commençait à s’ourdir sur les perchoirs. Par ici on décida d’affûter les ergots, par là on lima les becs pour les rendre plus acérés. Les faisans et les cailles des environs avaient rappliqué. Marcel avait joué le « cocorico » parmi sa bande de copains des perchoirs.

La marche des emplumés en colonne, menée par Marcel le vieux coq briscard et Maître Coq tout juste promu chef de la basse-cour- les poussins n’ont pas eu droit à monter à l’assaut, c’était une affaire d’adultes – avance en groupes organisés. L’un vers la charcuterie, emmené par Lady Oie, un second vers la boucherie, commandé par Gaspard le jumeau de Barnabé, et le troisième le duo de coqs. Porcinet est venu en renfort du groupe de lady Oie. Certes, gaffeur et maladroit mais d’une force dont les troupes ne peuvent se passer pour un combat sans merci. Le cortège funèbre était lancé. Rien ne pourrait entraver sa détermination. Pas même ce nigaud de Pluto encore plus bête que Rantanplan, et encore moins Tom le chat malchanceux de la grand-mère du village.

Alors que la musique et la fête battaient leur plein dans les marchés de Noël, le massacre prit de l’ampleur. Becs, ergots croisaient le fer avec l’acier des couperets, hachoirs, couteaux à désosser et autres outils de torture. Le boucher fut attaqué dans sa boutique. Les cailles lui picorèrent les pieds tandis qu’une oie lui pinça le nez à le faire saigner. (comme vache qui pisse) Une poule lui planta un bec sur l’arcade et le lui arracha de son ergot. L’homme terrassé, Porcinet et Arthur 1er, roi des cochons en firent leur festin. Il en fut de même pour le charcutier, assaillit par le duo de coqs. Lorsqu’il tomba à genoux, les faisans firent la passe de guirlandes de saucisses à l’escadron de Miss Oie et de ses copines. Il en fut gavé jusqu’à ce que la mort survienne par étouffement. Les fermiers pensèrent échapper à cette vendetta de toute la ménagerie de volatiles. Ils ne furent pas épargnés. Poussés par les pintades et les dindons, ils finirent noyés dans la fosse à purin.

Le champ de bataille est recouvert de plumes, maculé de sang mêlé de gallinacées et d’humains. Des soldats à deux pattes agonisent, d’autres ont déjà rendu l’âme, d’autres encore se sont sacrifiés pour cette liberté tant rêvée. Les humains surpris par cette attaque ont perdu cette bataille mais les représailles ne tarderont pas.

En attendant les familles auront cette année pour le Réveillon de Noël au menu (éclairées à la bougie, et vêtues comme pour les sports d’hiver mais à l’intérieur)

*Salade d’algues et graines de tournesol avec truffes salées au chèvre et aux noisettes

*Sapin de Noël feuilleté au pesto ( à servir chaud)

*Ravioles de cèpes au parmesan

*Risotto de sarrasin aux champignons ou mille feuilles de pommes de terre, sauce aux morilles et truffe fraîche

Que les gourmands se rassurent la bûche classique ou glacée sera présente ainsi que les chocolats à croquer ou à boire !

Pour les créatifs une nouvelle activité vient de naître. Faut bien s’occuper à la lueur des lampes à huile -pétrole y’en a plus – ou lampes nomades. Prendre quelques aiguilles de sapin pour détricoter les illusions de la société de consommation.

Chez les gallinacées ce sera danse des canards, madison et la chenille qui redémarre.

Joyeux Noël !

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20 Comments

  • Bonjour,
    C’est la lutte finaaaaaaale?
    Remarque, si ça arrivait vraiment un jour? On y croirait presque en lisant ton conte si bien écrit…
    Bises.
    Bon après-midi,
    Mo

    • Oui MO, j’ai hésité avec en titre « L’Apocalypse de Noël ». Je me suis amusée à écrire cette bafouille.

  • Décidément, entre Marinade d’histoires et vous, c’est un Noël férocement ironique qui s’annonce ! Un vœu pieux ? 😇
    En tout cas, votre texte est sacrément dynamique!

    • C’est le dernier mois de 2022, tout est permis dans l’ironie 🙂

  • Géniale cette révolution dans la basse-cour! J’enlève les plumes qui collent à mes vêtements après la bagarre et je vais continuer à lire les autres propositions.
    Je suis trop contente du vent de folie que j’ai soulevé avec mes propositions pour l’AI de décembre.
    Au moins on rigole 😊.
    Bonne soirée.

    • Merci Bernadette. Tu peux te réjouir oui, car ton thème permet de vraiment rire et s’amuser pour ce dernier mois de l’année. 🙂

  • – Mais les poules et les cochons, qu’est-ce qu’ils vont devenir, si on ne mange plus de viande? m’a demandé un jour un élève.
    En tout cas moi je suis d’accord de les remplacer par les truffes et les ravioles de cèpes 🙂

    • Les élèves quelle spontanéité et esprit pragmatique 🙂

  • Très amusante ton histoire, j’ai beaucoup aimé. On peut dire que ce n’était pas des poules mouillées, et pour une fois, c’est le charcutier qui a la chaire de poule.

    • J’adore tes jeux de mots 🙂 Je n’y avais pas pensé.

  • Je crois que je vais adhérer au menu végétarien proposé pour épargner tous ces valeureux héros de la basse-cour!! Un super texte !

    • Merci beaucoup pour tous les volatiles 🙂

  • Voilà un récit dont le menu rendrait fort marri certain Nicolas Le Floch et ses comparses !
    Bravo, MiJo 😉

    • Merci de ta lecture. J’aime beaucoup cette expression « fort marri ». Ton vocabulaire est un enchantement pour moi 🙂

  • « Succulent » texte si j’ose dire ! « Truffé » de jeux de mots, c’est de la pure « régalade ». Bravo, vraiment, c’est drôle, incisif, avec des clins d’oeil bien trouvés comme la Marseillaise, tu finis l’année en beauté, on retrouve tout ce qu’on aime dans ton écriture ! Et évidemment, je ne peux qu’apprécier le message de ce texte 😉 ! Bonnes fêtes de fin d’année à toi !

    • Merci merci Sabrina, you’re welcome 🙂

  • Texte vraiment d’actualité, qui retranscrit au mieux les angoisses qui règnent dans les poulaillers à l’approche de la date du sacrifice. Quelle bonne idée ! très réussi ce texte, ton humour toujours, tes mots… Bravo

    • Merci Nadiège, oui je crois qu’un de nos pairs avait tenté un texte en hommage à toutes ces gallinacées qui connaissent en période de fête de tristes moments 🙂

  • C’est la révolte de la basse-cour !
    Bien jouée, Mijo !

    • Merci Jean Louis de ton passage sur mon blog 🙂

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