Trois mois que Sarah lutte chaque nuit contre une insomnie qui s’en va croissante. Elle a tout essayé de la tisane, aux exercices de yoga et toute la batterie des trucs ésotériques, cristaux, encens, diffusion d’huiles essentielles, massages des méridiens, élixirs floraux selon son biorythme personnel calculé à l’instant T, tout mais rien n’y a fait. Par contre elle se refuse à recourir aux psychotropes narcoleptiques chimiques, tout comme les substances hallucinogènes. Alors lorsqu’elle voit ce matin, les yeux cernés, l’esprit engourdi par le manque de sommeil, la plaque de la nouvelle boutique de sa rue, elle marque un temps. De prime abord elle pense qu’il s’agit d’un effet de son mental. Mais non ! Monsieur Roupillon venait de fixer son enseigne : « Les bras de Morphée » Les prières de Sarah auraient -elles été exaucées ? Quelle probabilité avait-elle qu’un marchand de sommeil vienne s’installer dans sa rue ?

Ignorant le retard auquel elle s’exposait, elle traversa la rue, ragaillardie par la potentielle promesse de quelques heures de sommeil.

─ Bonjour monsieur. C’est pour quand l’ouverture de votre boutique ?

─ Ah ma p’tite dame c’est pour dans deux jours. J’ai encore quelques coups de peinture à donner.

─ Ça n’arrange pas mes affaires ce que vous me dites. J’ai besoin de dormir moi, c’est urgent ! Je n’ai plus de force pour travailler.

─ Dans ce cas, faut aller voir Robusta, il vous vendra de la force !

─ Vous savez bien que la force et le manque de sommeil ne sont pas compatibles. Cela fait des mois que je ne dors pas suffisamment ?  S’il vous plaît, je serai votre première cliente et sans doute la meilleure. Vendez -moi quelques heures de sommeil.

─ Vous ne lâchez rien vous ! Une vraie tête de mule.

Sarah plongea son regard « black is black » dans celui de Monsieur Roupillon. Ce dernier compris que cette hystérique souffrant d’agrypnie ne lui lâcherait pas la grappe. C’était bien sa veine.

─ Bon venez, je vais faire une exception sinon c’est moi qui vais faire des insomnies ou des cauchemars à cause de vous.

─ Ça coûte combien l’heure de sommeil ? Vous faites des forfaits ?

─ 150 !

─ De l’heure ! Mais c’est du vol.

─ Non c’est du business. Alors vous voulez combien d’heures ? Parce que je ne fais pas de forfaits. J’ai que des options…payantes bien sûr.

─ À ce prix-là, vous faites des facilités de paiement j’espère.

─ Non, suis marchand de sommeil pas marchand de sable moi ! Alors vous vous décidez ou quoi, j’croyais que c’était vital !

─ C’est quoi les options ?

─ Vous avez les rêves heureux ou érotiques, les cauchemars, les ronflements. C’est 100 euros par option supplémentaire et par heure.

── Mais c’est une vraie arnaque votre commerce. On va dire que je vais prendre des heures simples de sommeil. Est-ce qu’on peut faire comme pour les cartes postales. Toutes les dix heures vous m’en offrez trois de plus ?

─ Non mais c’est pas les soldes ma p’tite dame. Et on est pas vendredi donc pas de black Friday non plus.

─ Okay, okay, allez donnez-moi dix heures de sommeil de plomb sans réveil nocturne, ni envie de faire pipi.

─ Ça fait deux options ça, multiplié par dix ce qui fait 2500 !

─ À ce rythme là vous pourrez vous offrir la Tour d’Argent en moins deux et dormir au Hilton dans des draps de soie tous les jours !

Sarah sortit son chéquier, mais Roupillon lui fit remarquer que la maison n’acceptait que la carte de crédit ou les espèces. Il expliqua qu’il devait se protéger des chèques en bois.

Sarah à contre-cœur passa sa carte visa dans le terminal.

Roupillon se réjouit d’avoir trouvé le bon filon pour réaliser son rêve. Son père lui avait dit que le pognon ne faisait pas le bonheur mais qu’il y contribuait fortement. Il allait devenir le magnat SDF. (sans difficulté financière)

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